Le 8 mai 1945 devait constituer un jour marquant de l’histoire contemporaine puisque la journée de la victoire allait symboliquement mettre fin à la Seconde Guerre mondiale et officialiser la capitulation des troupes du IIIe Reich face aux Alliés. Le jour même, l’événement devait être commémoré un peu partout dans le monde par des défilés et des manifestations de joie. En Algérie, les nationalistes qui activaient notamment au sein du Parti du peuple algérien (PPA - interdit), dirigé par Messali Hadj (emprisonné à l’époque) et dont la couverture légale était constituée par une organisation à caractère frontiste, les Amis du manifeste et de la liberté (AML), association fondée en mars 1944 par Ferhat Abbas, décident d’organiser dans de nombreuses régions du pays des manifestations commémoratives distinctes en arborant en même temps que les drapeaux des Alliés celui de l’Algérie ainsi que des mots d’ordre indépendantistes, et en réclamant la libération de Messali. Une tentative similaire lors des commémorations du 1er Mai 1945 avait mobilisé des milliers d’Algériens dans des villes comme Tlemcen, Bougie, Oran (où il y avait au moins 1 mort) et Alger (où des heurts avec la police s’étaient soldés par 3 morts et 16 blessés, dont 3 policiers). Les manifestations du 8 Mai vont dégénérer dans l’est du pays, notamment à Sétif, Guelma, Kherrata, Annaba, Skikda et de nombreuses autres localités, et servir de prétexte à une répression des plus féroces. A Sétif notamment, 7 000 à 8 000 personnes encadrées par des militants du PPA et précédées par près de 200 Scouts musulmans algériens (SMA) arboraient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Vive Messali », « Pour la libération du peuple » et « Vive l’Algérie libre et indépendante ». Première victime du drame, le scout Saâl Bouzid qui portait le drapeau algérien et refusait de s’en dessaisir. Il est abattu par un policier. Une émeute s’ensuivra. Il en est de même à Annaba où l’on déplore un mort et un blessé. Et à Guelma où, durant la manifestation, des affrontements vont provoquer la mort d’un Algérien tandis qu’il y a des blessés, y compris du côté de la police. En fait, une grande partie des manifestants, au lieu de se disperser, vont s’attaquer aux Européens et à des biens et édifices publics. A Sétif, il y avait 29 morts et plusieurs blessés, y compris des personnalités de gauche, tel le maire socialiste tué (mais par qui ?) ou le secrétaire de la section communiste auquel les mains furent arrachées. Des émissaires se rendaient au même moment dans différentes localités de la région pour informer des incidents et mobiliser au djihad. Des groupes se rassemblent un peu partout. Le bilan va monter à une centaine d’Européens tués ainsi que quelque 150 blessés. Il ne s’arrêtera, cependant, pas là. La répression qui mobilise police et gendarmerie soutenues par des milices composées de civils européens, de l’armée de terre, de la marine (deux croiseurs ont bombardé les côtes) et de l’aviation (bombardements aériens) va être aveugle. Si les autorités françaises reconnaissent quelques milliers de victimes, les nationalistes s’en tiennent au chiffre de 45 000 Algériens (voire 80 000 pour certains) tués pour les jours qui ont suivi le 8 Mai. Des milliers d’autres, notamment dans les rangs du PPA et des AML, sont arrêtés, emprisonnés et parfois condamnés à mort. Certains attendront la proclamation de l’indépendance en 1962 pour pouvoir sortir de prison.
Hassan Remanoun
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